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Des artistes présentés comme dégénérés

       

      Ainsi, de nombreux artistes faisaient des œuvres en défendant leurs idées, certains étaient surréalistes et d'autres dadaïstes. C’est le cas de Hans Bellmer, Lion Feuchtwanger, Max Ernst, Wols et Ferdinand Springer. Les nazis qualifiaient cet art "d'art dégénéré". En effet, dès 1913 la Chambre des députés de Prusse a adopté une loi contre la dégénération de l’art. L’idéologie des Nazis concernant l’art était donc en partie un produit des idées de l’Empire Allemand.

Le terme de la dégénération était appliqué pendant le 19ème siècle dans la science et la médecine et en 1892 il apparaissait dans le monde artistique. Dans le livre Entartung de Max Norda, l’auteur désigne les courants du Naturalisme, Symbolisme, et Réalisme comme des formes d’art devenus décadents.

Selon la conception d’art des nazis, la seule fonction d’un artiste était d’illustrer les notions du nazisme et de glorifier l’Etat dans ses œuvres. L’art était en fait une forme de propagande et une pédagogie du régime. La personne idéale représentée dans l’art nazi était un être sain et plein de joie de vivre. L’homme était fort et actif ; la femme était pure et maternelle. Les deux étaient fiers de leur patrie et prêts à faire n’importe quoi pour la soutenir et la défendre.

 

Exemple d’œuvre dégénérée :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pablo Picasso- Pêche de nuit à Antibes-Affiche sur papier d’art

Source : http://www.passion-estampes.com/npe/art-degenere.html

 

L’art dégénéré était l’art dont les idées ne se conformaient pas aux notions et à l’idéal de beauté des nazis et par conséquent, il était interdit et persécuté. Considérées comme le fruit d’esprits malades, supposés juifs et d’inspiration bolchevique, ces œuvres étaient accusées d’être des escroqueries destinées à saper le moral et la grandeur de  l’Allemagne. Souvent, ces œuvres critiquaient la société. Les artistes n’hésitaient pas à  montrer la maladie, la souffrance et la mort. Ce sont surtout l’Expressionisme, l’Impressionnisme, le Dadaïsme, le Surréalisme, le Cubisme, le Fauvisme et la Nouvelle  Objectivité qui étaient considérés comme des courants dégénérés.  Pour préciser, on peut ajouter que les artistes de groupes tels que Der Blaue Reiter, groupe expressionniste de 1911 à 1914 fondé entre autres par Kandinsky et Jawlensky, et Die Brücke, un autre groupe expressionniste furent particulièrement touchés par cette répression. 

 

Dès 1933 il y avait des expositions diffamantes destinées à discréditer ces formes d’art dans les villes allemandes. Ces expositions avaient pour but d’effrayer le peuple : A Nuremberg, l’exposition s’intitulait  «La Chambre de  Peur» (« Schreckenskammer »), à Stuttgart, elle s’appelait « L’Esprit de  Novembre (en référence à novembre 1918) – L’art de la dégradation » (« Novembergeist – Kunst im Dienste  der Zersetzung ») et à Dresde l’exposition avait déjà pour  titre : « L’art  dégénéré » (« Entartete Kunst »). Ces expositions furent  populaires sur le plan local uniquement  à l’exception de celle  organisée en 1937 à Munich qui connut un succès à une plus grande échelle. 

 

Aussi, en 1933, les répercussions pour les tenants de l’art moderne  étaient sévères. Le gouvernement a interdit aux artistes non-conformes de travailler. Cette interdiction professionnelle les a beaucoup fait souffrir. Les nazis ont aussi commencé à remplir les musées avec leur art préféré. La loi sur la restauration de la fonction publique (Gesetz  zur Wiederherstellung des Berufsbeamtentums) du 7 avril 1933 a facilité le licenciement d’environ trente directeurs de musées qui ont favorisé l’art moderne. Parmi ceux qui étaient forcés de quitter leur travail, il y avait Max Beckmann, Otto Dix et Paul Klee.

 

En 1937, la confiscation des œuvres d’art dégénéré commence  sur une grande échelle. Pour commencer, elle n’est pas officielle, mais elle est bientôt légalisée par la loi sur la confiscation des produits d’art dégénéré de 1938 (Gesetz über Einziehung von Erzeugnissen entarteter  Kunst). Au total plus de vingt mille œuvres de 1400 artistes  sont alors confisquées sans indemnités dans plus de 100 musées allemands

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Le 19 juillet 1937 la grande exposition d’art dégénéré « Entartete Kunst » a lieu à Munich. Elle voyage ensuite dans douze villes allemandes. Avec plus de 650 œuvres confisquées d’environ 30 musées allemands, cette exposition attire  beaucoup de monde : à peu près trois millions de personnes la voient. Ils sont deux millions pour la seule ville de Munich. Elle est organisée par Joseph Goebbels, le ministre du Reich à l’Éducation du  peuple et à la Propagande (Reichsminister für Volksaufklärung und  Propaganda)  et  par Adolf Ziegler, le président de la Chambre des  Beaux-Arts (Reichskammer der Bildenden Künste). Celui-ci l’inaugure  en disant « Vous voyez autour de nous les produits de la folie, de l’effronterie, de l’incompétence et de la dégénérescence » (« Sie sehen  um uns herum diese Ausgeburten des Wahnsinns, der Frechheit, des  Nichtkönnens und der Entartung »). Le but est de tourmenter les spectateurs en suscitant des sentiments comme le dégoût, l’angoisse, la consternation et la rage. Il s’agit également de créer la controverse. Les nazis  veulent  montrer les artistes dégénérés comme des ennemis de l’État. Ils en font ainsi des boucs émissaires. Pour atteindre leur objectif, les  organisateurs soignent la mise en scène. Les murs de l’exposition sont couverts d’œuvres en tas, suspendues de façon inesthétique et souvent sans cadres. Autour des œuvres, des commentaires diffamatoires couvrent les murs : les œuvres sont « une insulte envers les femmes allemandes » ou une « moquerie de Dieu ».  Les commentaires suggèrent que les artistes sont  des handicapés  mentaux ou des blasphémateurs qui veulent faire des Africains l’idéal de beauté allemand (« Le Nègre devient l’idéal allemand »). Ces commentaires ont exploité la peur et les préjugés des spectateurs pour se moquer de l’art dégénéré.  Au-dessous des œuvres on trouve aussi leurs prix exceptionnellement prohibitifs compte tenu de l’inflation. Le commentaire qui les accompagne est le suivant : «acheté avec les  deniers publiques du peuple allemand ».

Un  jour avant le début de cette exposition, une autre  exposition d’art est inaugurée à Munich. C’est la Grande Exposition  d’Art Allemand dans la Maison de l’Art Allemand à Munich (Haus der  Deutschen Kunst, heute Haus der Kunst). Cette exposition représente  l’art typiquement « allemand » ou plutôt l’art accepté par les nazis. Contrairement à  l’exposition « Entartete Kunst », celle-ci est correctement mise en scène : les œuvres sont rangées et il n’y a pas de commentaires  ni de prix affichés.

 

Après les expositions, les Nazis essaient  de se débarrasser des œuvres dégénérées.  Quelques œuvres sont  vendues aux collectionneurs d’art y compris à Hildebrand Gurlitt. Son infâme collection est connue depuis la saisie des œuvres cachées par son fils,  Cornelius Gurlitt en 2013. D’autres sont vendues à l’étranger ou mises aux enchères. La plus grande vente aux enchères a lieu à Lucerne en Suisse en 1939  où 125 œuvres sont vendues. Beaucoup d’œuvres sont probablement  brûlées dans une caserne de pompiers à Berlin (Alte Feuerwache in der  Lindenstr. 42) le 20 mars 1939. On ne sait pas si l’incinération de ces  4829 œuvres a été complète  car les documents de cette caserne ont été perdus pendant la  guerre, mais on peut confirmer que cette destruction a été alors préparée.

 

 

Voici un exemple d'œuvre qualifiée de dégénérée. Il s’agit d’une des œuvres la plus populaire d'Hans Bellmer. C'est en 1933 que Bellmer a l'idée de la poupée, qu'il décline sous  différentes formes.  Elle naît d'abord en peinture, 'Die Puppe', ('La  Poupée', 1934), puis Bellmer prend en photo ce mannequin à quatre jambes, avec l'aide de son frère. Il le met en scène dans la forêt ('Les Jeux de  la poupée', 1936-1938) et à partir de 1937, il exécute d'innombrables  dessins dans des petits carnets ('Croquis d'après nature'). A partir de 1935, les photos  de Bellmer paraissent dans la revue parisienne Minotaure. Cette vanité contemporaine choque et interpelle. Il faut dire que le groupe surréaliste a déjà utilisé les poupées  dans  ses  différentes expérimentations ou performances. Mais montrer une  femme démembrée, présentée comme objet de désir et dépendant  totalement  de son créateur, ça jamais… Si  Bellmer parle des "possibilités de décomposer et  ensuite de recomposer  contre nature à tout hasard, le corps et les  membres", la poupée reste un motif difficile à expliquer. Que  symbolise-t-elle exactement ?  Objet érotique et sensuel, la poupée est  aussi un objet morbide, violent, qui agresse la déliquescence d'un régime et d'un pays. Elle est cette attraction étrange, cette fascination obscure pour des  sentiments contradictoires. On peut y voir  tour à tour de la  sensualité, de l'érotisme, et puis la poupée devient femme morte. Ce  double féminisé de l'artiste porte alors en lui tout le  poids d'une charge contre l'Allemagne nazie. C'est une résistance, un  pied-de-nez violent au régime. 

Il  se veut à la fois le jouisseur, le voyeur, en même temps que son œuvre entre dans le champ d'une résistance politique. On ne saurait  voir dans la poupée de Bellmer qu'une seule explication politique mais elle est bel et bien là.

Composée en deux temps, cette œuvre souvent qualifiée de totale et  d’étrange, attire physiquement et nous renvoie à nos désirs.  "La Poupée"  est avant tout une réflexion sur  l’enfance, la fuite  vers  cette période inconsciente de notre vie dans  une époque où l’Europe s’avance vers la Seconde Guerre mondiale. Il   place à l’intérieur de son  ventre un système mécanique comprenant des cases où sont placés  différents objets. Le spectateur était donc invité à les observer au travers du nombril et à les échanger en appuyant  sur le sein.  Rien n’est moins sûr que Bellmer  nous surprenne en nous obligeant à rentrer  dans l’intimité corporelle et  morale d’une femme, présentée ici comme  simple objet.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

http://elisabeth.blog.lemonde.fr/2011/10/06/le-surrealisme-a-paris-a-la-fondation-beyeler/hb_02_0/Source : Le Monde

 

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