top of page

Qui exerce réellement le quatrième pouvoir ?

 

 

C’est la question posée par Serge Halimi l’auteur du livre Les nouveaux chiens de gardes. Cet ouvrage jette un regard très critique sur le rôle des journalistes dans la société. Il nous a semblé donc judicieux d’en faire l’analyse pour faire la conclusion de cette première partie.

 

Serge Halimi est né en 1955, fils de Gisèle Halimi une grande avocate féministe . C'est l'auteur de nombreux ouvrages évoquant des problèmes sociétaux, économiques et politiques qui révèlent au grand jour des sujets sensibles. Il est par ailleurs journaliste. Dans son ouvrage Les Chiens de garde, il reprend le concept créé par Paul Nizan en 1932. Paru en 1997, ce livre a connu un énorme succès de librairie, avec 200000 exemplaires vendus. Désormais, il occupe le poste de directeur du mensuel le Monde diplomatique. Il est également docteur en sciences politiques. Il a enseigné à Berkeley, à Paris VIII.

Ce journaliste et écrivain français, refuse les invitations qu’on lui propose dans les médias, cependant il est souvent invité dans des radios comme dans l’émission Là-bas si j’y suis sur France inter. (Remarque, l'émission n'existe plus notamment, semble-t-il à cause de la couleur politique de son animateur, Daniel Mermet)

Compte tenu de son expérience et de ses références, Serge Halimi, est donc compétent pour traiter le sujet des relations entre journalistes et hommes politiques ainsi que de la censure dans les médias.

Il tente donc dans son ouvrage de dévoiler la vérité sur les médias qui nous abreuvent tous les jours de nouvelles du pays et du monde. Selon la préface il « entend rompre le silence complice et apporter son témoignage critique et rappelle à tous, ce que pourrait être un journaliste pleinement conscient de sa dignité ». Il témoigne de la censure dont seraient victimes certains journalistes : ils ont une certaine liberté à partir du moment où « les intérêts du patron coïncident avec ceux de l’information ». Serge Halimi estime que les élites journalistiques françaises, les fameux « chiens de garde », sont au service des « maitres du monde » et font ainsi « une information de plus en plus médiocre ». Les « chiens de garde » sont donc les journalistes, éditorialistes et experts médiatiques qui gardent l’ordre social. Il s’attaque en particulier aux trente journalistes censés être les meilleurs de la profession comme Patrick Poivre D’Arvor (PPDA), Claire Chazal, Michel Field, Christine Ockrent, Serge July, Alain Duhamel, Franz-Olivier Giesbert. Pour lui, ils forment une « société de cour et d’argent » qui pratique un « journalisme de marché » et relaie une pensée unique. En effet, Les nouveaux chiens de garde, dresse un état des lieux du monde de la presse, qui passe volontiers sous silence certains faits où l’indépendance du journaliste ainsi que l’objectivité des médias sont remises en cause. Pour justifier ces propos, Serge Halimi a judicieusement introduit des interviews et des témoignages d’hommes politiques ou de journalistes.

Dans une première partie, Serge Halimi évoque donc la « révérence devant le pouvoir » des journalistes face notamment aux hommes politiques. Les journalistes politiques se mettent en valeur aux yeux des hommes de pouvoir. Le but est de créer de bons rapports au détriment du véritable travail du journaliste. Ainsi ils ne nous disent pas tout car ils en taisent les secrets, font des interviews sous arrangement et manipulent l’information pour ne pas se froisser avec les hommes de pouvoir. « Ils ne font plus leur métier, mais sont des courtisans » comme en témoigne un salarié de TF1, bien évidement anonyme… Le but du journaliste n’est donc plus d’informer la société sur des faits réels mais bien d’approcher le pouvoir afin de se faire bien voir et de se sentir important. Ils agissent ainsi en faveur de leur propre intérêt afin d’avoir de nombreux avantages comme notamment « des appartements pas chers grâce à la ville de Paris… ». D’après les avis des étrangers, « En France, les journalistes sont souvent beaucoup trop proches de ceux sur qui ils écrivent ». On peut donc voir, comme en témoigne cet ouvrage et les témoignages de diverses personnes, que la peur des représailles alimente et dicte la vie du journaliste, qui agit par amitié, par amour ou encore par intérêt financier et soif du pouvoir. De plus, d’après P.Poivre D’Arvor, ils sont là « pour donner une image lisse du monde » et vont dans le sens et dans l’intérêt des politiciens. L’indépendance du journaliste n’est donc qu’une illusion. Il n'obtient une certaine liberté qu’à partir du moment où "les intérêts du patron coïncident avec ceux de l'information". Ainsi les choix des journalistes sont dictés par le pouvoir et doivent aller dans le sens de ce dernier. En effet, ils pourraient par exemple perdre aisément leur poste pour ne pas avoir satisfait certains désirs des hommes de pouvoir. L’objectif du métier de journaliste, aujourd’hui, est de donner une fausse information car le gouvernement lui impose des conditions. Voici un bon exemple que tout est contrôlé : ce sont les hommes politiques qui choisissent les journalistes qui les interviewent mais aussi les questions posées (cf : Affaire DSK avec le traité de Maastricht).

Dans une seconde partie, Serge Halimi évoque ce qui motive souvent les journalistes à remettre en question les valeurs de leur métier : l’argent. Les rapports que ces derniers entretiennent avec les personnes influentes et les grands actionnaires des sociétés d’information de notre pays, se développent souvent pour un intérêt financier. De plus, certaines chaînes télévisées sont par exemple, dirigées par de grands groupes industriels, qui permettent à ces dirigeants de contrôler l’information et d’acquérir de nombreux avantages : sur TF1, dont l’actionnaire principal est Bouygues, les invités sont le plus souvent, des ministres gros clients de cette entreprise de mobile et de construction. Les journalistes ont pour rôle de relater les faits de manière à ce que cela aille dans le sens des grands dirigeants. Par exemple, Christine Ockrent en 1994, a été remplacée pour avoir dévoilé des propos de M.Mitterrand sur M.Chirac qui étaient pourtant réels et dont l’acte faisait entièrement partie de son rôle de journaliste. On peut donc voir, grâce à cet ouvrage, que la presse est manipulée, et que les informations sont à prendre avec recul par la société. Les journalistes doivent rester dans le moule qui saura convenir aux employeurs. Attention, il convient de nuancer ceci. Tous les journalistes ne sont pas inféodés. Beaucoup ont encore une certaine déontologie. Pensez aux journalistes de Médiapart même si leurs méthodes sont parfois critiquées. Dans la troisième partie, S.Halimi évoque un journalisme de « marché » où il parle notamment des salaires que touchent les personnes exerçant ce métier. D’après lui, les salaires sont astronomiques et pourtant le métier réduit les tâches à accomplir (S. Halimi ne parle ici que d'un groupe restreint de journalistes vedettes).  Les journalistes relatent toujours les mêmes faits, certains sont source de plagiats qui sont à l’origine de paresse, de manque de culture ou de connaissances de la part des journalistes. Le « journalisme de marché » considère l’économie au point de vue du patronat et de la Bourse et traite des patrons avec égard quand les employés le sont avec mépris (Ex : grèves de 1995 et l’acharnement médiatique dont elles ont été victimes). Les journalistes forment, de plus, la pensée unique qui n’est pas neutre, ni changeante et qui traduit « en termes idéologique à prétention universelle les intérêts du capital international ». La presse sert de rampe de lancement à l’idée de la pensée unique. Tous les journalistes rabâchent la même chose à travers leur informations ce qui crée un monde journalistique de pensée unique, c’est pourquoi certaines informations que nous procurent les médias peuvent être souvent dérisoires par rapport à d’autres qui sont passées aux oubliettes. Par exemple,comme en témoigne Serge Halimi dans son œuvre, La Mort de Lady Diana en 1997 : les médias matraquent un sujet sans autre conséquence qu'une augmentation escomptée de leur diffusion, ils se prévalent de la demande du public, de l'intérêt du consommateur. C'est d'abord oublier que la mission du journaliste consiste à rendre intéressant ce qui est important, pas important ce qui est intéressant. Les journalistes se suivent donc, ils ont le même avis, et manipulent la société même si pourtant « la volonté de manipuler n’est pas toujours l’explication d’une désinformation ». En effet, la désinformation est aussi entrainée par l’audimat. Le monde des médias ne cherche plus qu’à faire du chiffre, de l’audience même si pour cela, l’information doit être conditionnée. De plus, les journalistes ont une manière différente d’interviewer un homme politique selon le parti auquel il adhère. Enfin, le journalisme de marché cause des inégalités entre journalistes : certains sont très bien payés tandis que d’autre ont un salaire de misère. Pour conclure sur cette partie, les journalistes pensent qu’ils relatent avec obstination la réalité mais ils aimeraient en plus qu’on « acclame leur courage » à faire preuve de réalisme. 

Enfin, dans une dernière partie, l’auteur parle du journalisme comme un « univers de connivences ». En effet, les journalistes français se côtoient presque tous, ils se connaissent tous, et créent un cercle fermé où reviennent toujours les mêmes 30 personnes qui se partagent l’information. Alain Minc, justement, est une parfaite illustration de la concentration et de la connivence de ces journalistes. Lorsqu’il décide de donner une fête pour ses 50 ans, qui retrouve-t-on dans le ballet des invités ? Jean-Marie Colombani, Franz-Olivier Giesbert, Jean Peyrelevade (alors PDG du Crédit Lyonnais), David de Rothschild, François Henrot (Paribas), François Pinault, Vincent Bolloré, Pierre Blayau, Jean Drucker, Pierre Bergé, Ernest-Antoine Seillière, Martine Aubry… De plus, d’après le livre, il n’y a aucune concurrence entre ces personnes, ils sont juste complices et tolérants entre eux. Ils savent que leur notoriété est due à la fréquence de leur apparition, le but est donc de se faire bien voir et aimer de leur entourage d’hommes de pouvoir. Ces personnes travaillent en coopération sur de nombreux sujets notamment sur des critiques d’œuvres de confrères. Ainsi, dans ce cas-là, les commentaires ne sont pas objectifs, car les amis sont bien jugés et les adversaires au contraire, se font descendre. «  Il suffit qu’un oligarque publie un ouvrage pour que l’ensemble de ses « amis » en fasse de pompeux éloges dans leurs propres médias, quitte à lui de rendre la pareille lorsqu’eux-mêmes publieront… A l’inverse, aux Etats-Unis de nombreux journaux interdisent à toute personne connaissant l’auteur d’en publier une critique. En France, cela ne dérange personne et c’est même presque une règle bien établie. »

Critique :

Pour finir, ce livre tente donc de dévoiler la vérité sur le travail de certains journalistes dont on apprend qu’il faut se méfier. L’ouvrage est sérieux et s’appuie sur de nombreuses références. Il est de plus, bien construit et explique bien chaque propos avancé en les justifiant à l’aide d’exemples concrets. La progression des chapitres est logique et tout à fait claire. Ce livre permet de savoir la vérité sur ceux qui manipulent la société et dénonce le mythe d’une presse indépendante et détachée du pouvoir.

Pour autant ce livre comporte quelques limites : Serge Halimi ne fait aucune proposition sur des éventuelles solutions pour changer ces pratiques, et oublie de mettre en avant le fait que tous les journalistes ne font pas l'objet de telles polémiques et que certains exercent parfaitement leur travail.

Pour conclure, cet essai est pertinent et permet de mettre en garde les citoyens sur les manipulations dont nous sommes les premières victimes. Mais il faut le prendre en considération avec toute la prudence nécessaire à l'analyse d'une œuvre polémiste.

 

© 2015 by La culture e[s]t le pouvoir. Proudly created with Wix.com

  • Facebook App Icon
  • Twitter App Icon
  • Google+ App Icon
bottom of page